interview Gecko Press

Fevrier 2019

Comment êtes-vous devenue auteure?
En lisant, je pense. A un certain âge, vers 20-24 ans,  j’ai fini par remarquer que certains livres me plaisaient  énormément, et que ce n’était pas la question du sujet, mais de la façon dont ils étaient écrits. André Gide, Giono, Beckett, Simenon…
J’ai grandi en France, et après mon BAC je me suis inscrite à une école d’art aux Pays-Bas. Mes parents sont Néerlandais. J’avais envie de connaître mes roots, et de voyager.
Aux Pays-Bas j’étais très bien, mais la langue française me manquait. J’ai pris l’habitude d’écrire en français, pour le plaisir, dans des cahiers. Des histoires inventées, cela n’avait rien d’un journal. J’écrivais aussi beaucoup de lettres. Je pense que c’est comme ça que j’ai trouvé le style, le ton de mon écriture.

Quand, beaucoup plus tard, j’ai eu envie de faire un album pour enfants il m’a paru évident de faire les illustrations - avec ma formation de plasticienne, mais aussi d’écrire le texte. Très vite j’ai écrit aussi des livres où le texte joue le plus grand rôle, des livres de lecture.

 Your characters often have a dry and slightly sideways approach to the world—do you think you are attracted to particular kinds of characters? (j'essaie de traduire: Vos personnages ont souvent une approche un peu décalée du monde qui les entoure. Êtes-vous attachée à un type particulier de personnages?)

 Ce n’est pas quelque chose que je décide rationnellement, ou même consciemment. Je crois que j’aime les personnages qui ne sont pas parfaits. Un type de personnage revient souvent: il est naïf - comme un enfant, enthousiaste, altruiste, même foncièrement gentil. Il est ouvert à l’amitié, au contact chaleureux.
Le côté ‘sideway’ est dans les situations, le déroulement de l’histoire, les dialogues. C’est une question de raisonnements qui paraissent logiques mais ne le sont pas, des choses comme ça. 

Ce côté absurde, c’est ce que je recherche plus que tout. Cela permet de voir la réalité avec une petite distance, c’est rafraichissant.  Mais c’est aussi le plus difficile. Il faut réussir à vraiment penser ‘out of the box’.

Y-a-t-il des thèmes dont vous aimer parler dans vos livres?
Oui, les thèmes récurrents dans mes histoires sont d’une part l’amitié,  qui va de paire avec la tolérance et l’acceptation de la différence. Parfois la solitude vient montrer son triste nez.
Les personnages ont des rapports très francs. Il n’y a pas de mesquinerie, dans mes livres. Il y a une bonne ambiance. Je décris le monde tel que j’aimerais qu’il soit, comme une possibilité. Il y a bien sûr des méchants, mais je les désamorce toujours assez vite. Je veux écrire des livres réconfortants, sans doute parce que je me souviens que le monde peut faire peur, quand on est enfant.

 L’autre thème qui me tient à coeur est l’amour de la nature dans toute sa diversité et sa beauté en toutes saisons. Je ne parle pas des problèmes environnementaux. Je crois que les jeunes enfants doivent d’abord apprendre à aimer et à connaître la terre, sa flore, sa faune, ses paysages, avant d’être confrontés à une horrible actualité de dégradation, de destruction et d’urgence. Comme les enfants ont le droit à l’insouciance avant d’avoir des responsabilités, ils ont le droit de rêver avant de flipper. 

 Quelle est pour vous l'importance de l'humour dans les livres pour enfants?
Dans les livres d’enfant en général, je ne sais pas. On peut bien sûr très bien écrire un bon livre qui ne soit pas drôle. Un livre poétique, où instructif, ou juste beau.
Pour moi personnellement, l’humour est essentiel. C’est l’oxygène qui fait que le feu brûle. J’aime particulièrement l’humour absurde. J’ai souvent remarqué que les enfants y sont sensibles déjà très jeunes.
Ce qui me touche le plus, c’est quand un livre est drôle, en même temps poétique. Comme par exemple les histoires de Arnold Lobel, Frog and Tod, ou Owl at home. Ces histoires ont aussi un petit fond triste, ce qui les rend si complètes et émouvantes.
L’humour permet de mieux supporter la réalité, parce que pour rire il faut prendre une petite distance. Cela permet de relativiser, de ne pas prendre la vie trop au sérieux.